LITHOTHERAPIE - EVEIL

Qui sommes-nous ?

Citations :
  • N'est-il pas évident, cher Xénophon, dit Socrate, que les hommes ne sont jamais plus heureux que lorsqu'ils se connaissent eux-mêmes, ni plus malheureux que lorsqu'ils se trompent sur leur propre compte ?
  • Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux. (inscription sur le fronton du temple de la PYTHIE de DELPHES)
  • Découvrez qui vous êtes et tous les autres problèmes se résoudrons d'eux-mêmes. (Ramana Maharshi)
  • Qui connaît les hommes est averti ; qui se connaît soi-même est éclairé. (Lao tseu)

    1) Qu'est-ce que le soi ?

Se connaître soi-même est le remède proclamé par des maîtres de traditions variées pour être heureux. Cela sous-entend que nous ne nous connaissons pas et semble un peu absurde à priori. Essayons d'y regarder de plus près, à tout hasard.
Quelle est cette chose que nous appelons "moi" ? Pour essayer de définir à quoi nous nous référons lorsque nous disons "je", je m'appuie sur les enseignements bouddhistes qui dénombrent cinq composantes, cinq agrégats (skandhas) auxquels nous nous identifions. Je ne me contenterai pas de les énumérer mais je vais m'assurer que je m'identifie bien à ces agrégats, qu'ils correspondent effectivement à mon vécu. Je vais également rechercher comment me connaître mieux au travers de ces agrégats.


a) Agrégat de la forme (corps)

Le premier élément auquel nous nous identifions est le corps. Pour le corps, tout va bien, c'est du "concret". Je n'ai pas besoin de beaucoup réfléchir pour savoir que je m'y identifie : quand on me pince, j'ai mal, mon "moi" souffre. Par contre, je ne m'identifie pas à la montagne ou à une table, uniquement à la forme appelée "mon corps".

Est-ce que je connais bien mon corps ? La médecine et la science en général nous en donnent une description détaillée mais elles ne nous disent pas pourquoi nous sommes tellement attachés à ce qui n'est, après tout, qu'un assemblage d'atomes, de la poussière d'étoiles. Je ne peux même pas regarder une amputation dans un film tellement l'idée de perdre une partie de mon corps m'horrifie. D'accord, je ne suis qu'un assemblage d'atomes mais c'est le mien. Ce qui m'amène à la réflexion suivante : si je ne m'identifiais pas à ce corps, est-ce que je serais plus heureuse ? Si j'avais une meilleure conscience de ce qu'il est réellement, j'aurais moins d'attachement donc j'éprouverais moins de souffrance. Je pense que ce n'est que par une compréhension de plus en plus accrue de la réalité de ce que nous sommes que cela est possible.

Exemple : je suis très attachée au lama qui me guide, au point de fondre en larmes dès que je le vois ou à l'idée qu'il pourrait mourir et cela depuis quelques années. Pourtant, depuis que je réfléchis à la vacuité du soi, je ne pleure plus sur lui (pardon, sur moi).

La santé nous procure du bonheur même si nous ne nous en rendons compte que lorsque nous sommes malades. De plus, quand il y a une soufrance physique, nous sommes moins patients et nous risquons de détruire de bonnes relations avec autrui. Nous avons donc intérêt à tout faire pour maintenir le corps en bonne santé mais comment ? Pourquoi mon corps tombe malade ? Quelle nourriture lui convient ? L'observation des réactions du corps après ingestion d'un aliment nous permet de déterminer ce que nous digérons mal, par exemple. Beaucoup d'informations sont aujourd'hui disponibles pour nous aider à nous maintenir en bonne santé et c'est à chacun d'entre nous de déterminer ce qui lui convient le mieux. Avec l'âge, nous apprenons à connaître les besoins de notre corps mais ses besoins évoluent et il faut donc réactualiser nos savoirs régulièrement.

Exemple : Jusqu'à il y a quelques années, je pouvais manger salé et me baigner dans la mer sans problème ; aujourd'hui, je fais de la rétention d'eau et le sel est pratiquement banni de ma vie.

Est-ce que seule la nourriture a un impact sur ma santé ? Nous savons aujourd'hui que nos pensées, nos émotions peuvent nous rendre malades ; le but est donc d'avoir "un esprit sain dans un corps sain". C'est le 4ème agrégat, abordé plus loin.


b) Agrégat des sensations

Le 2ème agrégat est l'ensemble des sensations : agréables, désagréables ou neutres. C'est-à-dire qu'avant même de savoir ce qui est perçu, nous avons une espèce d'instinct qui nous donne la sensation que c'est agréable ou non. Je crois pouvoir dire que ce n'est pas quelqu'un d'autre qui expérimente l'aspect agréable ou non, mais bien ce que j'appelle "moi". Il est probable qu'une autre personne aurait un ressenti différent du mien.


c) Agrégat des perceptions

Le 3ème est constitué des perceptions des organes des sens : vue, ouie, toucher, goût, etc. Les perceptions sont dépouillées de toutes nos projections mentales : une perception des choses telles qu’elles sont, où tout au moins telles qu’elles apparaissent dans le surgissement de la perception, avant que notre mental s’en soit emparé. Il s’agit de voir la lune dans le ciel telle qu’elle apparaît avant que je la trouve triste parce que je suis triste par exemple. Sans les perceptions, on ne trouve pas le corps et pourtant le corps est bien là. Les perceptions participent à l'expérience du Soi car nous sommes en mesure de nous identifier à notre corps et à ses caractéristiques.


d) Agrégat des formations mentales

Le 4ème agrégat regroupe les formations mentales : par exemple, non seulement l'ouie est sollicitée mais nous pouvons nommer le son (chant d'oiseau, cloche,...), le comparer, le commenter,... Notre aptitude à réfléchir, à résoudre des problèmes, notre mémoire, etc, nous caractérisent, donc contribuent à nous définir.

Pour mieux me connaître, il me paraît indispensable de savoir comment je fonctionne. Savoir quelles sont mes tendances me permet de ne plus être leur esclave et de reprendre mon bonheur en main (Voir Sagesse).

Exemple : Enfant, en sport, j'ai souffert de balles et ballons qui m'ont percutés. Du coup, quand une personne me lance subitement un objet sans me prévenir, j'ai un réflexe de peur et de colère. Depuis que j'ai pris conscience du pourquoi de cette colère, cela me laisse plus de liberté, plus de choix. Je ne peux pas encore empêcher la peur mais la colère s'élève moins.

Nos pensées et nos émotions, en plus de l'impact négatif qu'elles peuvent avoir sur notre corps ont également un impact sur notre moral. Plus nous ressassons des idées noires, plus nous sommes malheureux.

Exemple : Ma belle-mère fait souvent des remarques qui m'ennuient. Avant, je me rendais malade avant de la voir, rien qu'à imaginer ce qu'elle allait inventer pour m'embêter et alors qu'elle n'avait encore rien fait. Du coup, j'étais malheureuse alors que je n'étais même pas encore en sa présence. Maintenant, j'attends qu'elle soit là pour être agacée. Je plaisante, le fait de comprendre comment elle fonctionne m'aide à la supporter et, curieusement, elle est moins souvent désagréable. Mais je rechute de temps en temps.


e) Agrégat de la conscience

Le 5ème agrégat est la conscience : conscience d'être, conscience d'être en train d'écouter le chant d'une chouette, par exemple. C'est un petit plus par rapport au mental qui se raconte plein d'histoires : on a conscience d'être en train de se raconter plein d'histoires. C'est la qualité qui me donne peut-être le plus conscience d'être "moi", donc oui, je m'y identifie.

Prendre conscience de la façon dont nous fonctionnons est un long travail car nous ne sommes pas conscients de tout et nous ne savons même pas ce que nous ignorons. Il nous faut oeuvrer pour que les conditions de ces prises de consciences se produisent ; dans le bouddhisme, cela s'appelle réunir des conditions favorables. Le développement des qualités, la générosité, l'éthique, la patience, la diligence, la méditation et la sagesse, sont nécessaires. J'ai commencé à les évoquer au chapitre 6 paramitas.

Nous pouvons constater que chacun de ces agrégats participent effectivement à l'expérience du Soi mais où est ce Soi dont nous parlons tant. En disant "je", j'ai un sentiment d'unité, d'être une seule chose qui vit, pense, parle, donc non composée. Une seule chose, toujours la même au fil du temps, durable et permanente, distincte de son environnement : un être autonome et indépendant. Mais cette expérience du Soi est-elle conforme à la réalité ? Si les agrégats sont le soi, alors les agrégats devraient avoir les caractéristiques que l'on prête au soi, à savoir, le fait d'être non composé, permanent, indépendant, ...



2) Où est le Soi ?


Le soi peut-il être trouvé dans un des agrégats ?

Prenons l'exemple du corps. On ne considère pas chaque partie du corps comme un Soi distinct et pourtant, si le Soi était dans la tête, qu’en serait-il de la jambe ? Si le soi est dans le corps, est-il dans les atomes d'oxygène ou de carbone ou d'hydrogène ? Dans les noyaux des atomes ou dans les électrons ? Et si c'est dans les noyaux des atomes, plutôt dans les protons ou dans les neutrons ? De plus, le corps est composé de 99,9999999 % de vide : l'espace entre les noyaux des atomes et les électrons, ... Et les scientifiques démontreront bientôt que le peu de matière restante est lui aussi vide de substance solide.

Si le soi n'est pas dans l'aspect physique, est-il dans le mental ? Mais où sont les pensées ? Quelle forme, quelle couleur ont-elles ?

Difficile de localiser le Soi. Autant les agrégats sont un éventail d'éléments auxquels nous nous identifions, autant il est impossible de trouver le soi dans l'un d'eux.



3) Le soi est-il composé ?


Lorsque nous disons "moi" ou "je", avons-nous l'impression d'être une seule chose ou plusieurs ? Quand nous disons MOI, s'agit-il de "moi un" ou de "moi plusieurs" ? Je ne sais pas pour vous mais moi, quand je dis "je", c'est "je un".


a) Le soi UN ?


Si nous disons "soi un", alors cela signifie que ce à quoi nous nous identifions, c'est-à-dire les cinq agrégats, sont un. Nous allons examiner ces cinq agrégats pour déterminer s'ils sont vraiment une seule et même chose, non composée, donc de même nature, ce qui corroborerait notre expérience du Soi unique.

  1. Pour le corps, voyons déjà s'il est une seule et même chose non-composée. Il contient des parties différentes (os, muscles, sang, organes,...), composées de cellules, elles-mêmes composées de molécules composées d'atomes, eux-mêmes composés de protons, électrons, neutrons, ... Le corps est constitué de particules composant tout l’univers. L'examen de ce seul agrégat met en évidence que le corps n'est pas une seule chose non composée donc notre expérience du "Soi un" est fausse car quand nous pensons moi, nous ne pensons jamais "moi, assemblage d'atomes". Si nous recevons un coup de poing dans le nez, nous n'allons pas dire : "ce n'est pas grave, je ne suis qu'un assemblage d'atomes".

  2. Pour les sensations, l'aspect composé peut être mis en évidence par le fait qu'elles sont de trois sortes : agréables, désagréables ou neutres.

  3. Pour les perceptions des organes des sens, on pourrait se dire que les organes des sens font partie du corps et que cette capacité à percevoir ne devrait pas être séparée du corps. Pourtant si les organes des sens ne fonctionnaient pas, nous ne pourrions pas percevoir le corps mais il serait toujours là. Le corps peut être séparé de ses perceptions, par exemple pendant le sommeil, et continuer à vivre magré tout. Donc nous ne pouvons pas dire que le corps et les perceptions sont une seule et même chose. L'aspect composé des perceptions elles-mêmes réside dans le fait qu'il y en a de 5 sortes donc différentes : l'ouïe, la vue, le toucher, le goût et l'odorat.

  4. Le mental est-il différent du corps ? Examinons la nature d'une pensée : est-elle solide, quelle existence a-t-elle et où ? Comme nous n'avons jamais pu toucher une pensée, nous en concluons qu'elle n'est pas solide donc de nature différente de celle du corps. Des méditants accomplis ont peu de pensées et mais continuent à vivre donc mental et corps peuvent être séparés. De plus, il existe une infinité de sortes de pensées : de joie, de tristesse, de maison, d'enfants,..., donc le mental est composé.

  5. Pour la conscience, il est dit que c'est une faculté des êtres humains et que les animaux n'ont pas, notamment parce qu'ils ne reconnaissent pas leur image dans un miroir. Donc on peut ne pas avoir conscience d'être et avoir un corps malgré tout. Nous pouvons être inconscients pendant que notre corps continue à vivre, pendant le sommeil par exemple. Si la conscience peut être séparée du corps, alors ils ne sont pas une seule et même chose. De plus la conscience n'est pas solide et elle ne peut être trouvée en un lieu du corps donc elle est différente du corps. En plus, ,ous pouvons avoir conscience de différentes choses : d'être, d'être en train de marcher, d'être une femme, d'être fatiguée, ... donc la conscience est composée.
Notre expérience du Soi nous fait nous identifier à la somme de ces 5 composants car à travers les exemples cités, il semble évident que si une seule de ces composantes est absente, le vécu du Soi est altéré. J'ai voulu démontrer que les composantes du Soi sont de nature différente les unes des autres mais quand nous pensons moi, nous pensons 1 et non pas plusieurs or nous sommes composés de 5 agrégats différents et chaque agréagat est lui-même composé. Nous pouvons donc en conclure que notre vécu du soi comme UN est erroné. Si le Soi était unique, on arriverait à la conclusion absurde que les agrégats sont un et nous avons vu que ce n'est pas le cas.


b) Le soi plusieurs ?


Si le soi est identique aux agrégats, les agrégats étant cinq, pourrions-nous dire qu'il y a 5 Soi(s). C'est également absurde car cela ne correspond pas à la façon dont nous expérimentons notre soi : nous n'avons pas du tout l'impression d'être plusieurs choses.


c) Le Soi : ni un ni plusieurs ?


L'analyse démontre que l'identification au "soi un" est erronée mais en même temps, nous ne nous vivons pas comme étant plusieurs choses donc il y a un paradoxe, une impasse intellectuelle. Que sommes-nous réellement ?



4) Le soi est-il éternel ?