LITHOTHERAPIE - EVEIL

Colère

Citations :

  • S'il y a une solution. A quoi bon le mécontentement ?
    S'il n'y a pas de solution. A quoi bon le mécontentement ? (Shantideva)

  • «Rester en colère, c'est comme saisir un charbon ardent avec l'intention de le jeter sur quelqu'un ; c'est vous qui vous brûlez. (Bouddha)

  • Combien plus grave sont les conséquences de la colère que ses causes. (Marc Aurèle)

  • Une forte colère pleine d'amertume peut détruire le mérite accumulé pendant des milliers d'éons. (Shantidéva)


1) Le processus de la colère

La colère se manifeste parce que nous expérimentons quelque chose de non-voulu ou faute d'obtenir ce que nous voulons. Nous avons intérêt à observer ce processus, car plus nous comprenons pourquoi la colère s'élève et quelles sont ses étapes et plus nous serons en mesure d'en interrompre le processus. Pas la première fois, mais petit à petit.


a) Losque nous subissons une agression ( évènement non-voulu )


J'ai noté plusieurs étapes :


  1. Tout d'abord de la surprise
  2. Puis, nous nous sentons mal à l'aise, de la peur s'élève : peut-être que cela nous ramène au temps de l'enfance et des remontrances parentales. Donc cela nous pose en victime, en dominé.
  3. Parfois de la honte s'il y a des spectateurs,
  4. Un sentiment d'injustice, d'incompréhension : qu'avons-nous fait pour mériter cela et de quel droit cette personne nous juge-t-elle ?
  5. La colère prend place, réaction de défense de la citadelle du moi contre l'agression. La situation est inconfortable, nous nous sentons menacé, nous réagissons plus ou moins violemment, à la mesure de notre attachement à nous-mêmes. Nous n'acceptons pas ce qui se passe.
  6. Eventuellement de la déception, de la tristesse, de la rancune : nous avions une certaine image de nous-mêmes, de l'autre et de notre relation avec cet autre or elle se révèle fausse. L'autre n'est pas à la hauteur de nos rêves, il nous a fait perdre une de nos illusions à laquelle nous étions si attachés sans même le savoir. Il nous oblige à changer notre point de vue et c'est une souffrance.


b) Lorsque nous n'obtenons pas ce que nous voulons

Le processus de la colère dans ce cas est très semblable à celui se manifestant lorqu'un évènement non-voulu se produit mais notre état d'esprit avant la situation critique est plus facile à observer. Tout d'abord, il y avait un fort désir d'obtenir l'objet convoité ou de réussir à faire quelque chose,... Puis, l'attente s'est installée. Dans le cas précédent, il y avait un désir et une attente mais plus subtils : un désir que la vie continue comme d'habitude sans imprévus désagréables.

Et un jour, catastrophe : rien ne se passe comme prévu. La plupart du temps, nous n'avons même pas envisagé une autre version de ce que nous voulions car nous n'étions pas conscient de ce que nous voulions. A ce moment-là, nous retrouvons la surprise, la peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas réussir, l'orgueil blessé, la colère car nous refusons d'accepter la situation puis éventuellement la dépression quand nous faisons le deuil d'une illusion.


c) Lorsqu'il y a une accumulation de petites contrariétés, de stress.


Il peut se produire une série d'évènements faiblement contrariants. Un de ces évènements n'amènera pas de colère mais l'accumulation de ces petits évènements va installer un état d'esprit maussade. Bien souvent, nous sentons que ça ne va pas mais nous ne savons pas pourquoi. Ces évènements étaient trop insignifiants et nous n'avons pas été conscients de leur impact sur nous au fur et à mesure qu'ils se produisaient. Ces impacts non perçus peuvent générer de la colère face à un ultime évènement qui devient alors la goutte d'eau faisant déborder le vase. Du coup, nous réagissons plus vivement à une situation-problème que nous ne l'aurions fait en temps normal.

Exemple vécu :

  • J'arrive dans une salle ou le lama que je suis doit donner un enseignement. Une femme que je connais bien m'aborde et m'annonce qu'elle a pendu sa crémaillère la veille (1ère contrariété : je n'étais pas invitée), que le lama était chez elle (2ème contrariété) et qu'il a donné un enseignement (3ème contrariété puisque je ne l'ai pas entendu). Et elle insiste sur l'aspect merveilleux de cette soirée (4ème contrariété). Puis une personne avec laquelle je suis souvent s'installe loin de moi (5ème contrariété) et ne vient même pas me parler (6ème contrariété). Quelqu'un d'autre me dit bonjour de loin et me demande par gestes pourquoi je ne vais pas bien (7ème contrariété). Je me suis demandé de quoi il parlait et je lui ai fait signe que j'allais bien. L'enseignement commence et Rinpoché évoque presque tout de suite l'état d'esprit dans lequel nous sommes suite à une série de petites contrariétés dont nous n'avons pas vu l'impact sur nous. Son enseignement m'a permis de prendre conscience de ce processus pour la première fois : j'étais maussade mais je ne m'en étais même pas rendue compte.
  • Ce cas de figure se produit également quand je suis stressée, c'est à dire que j'ai peur d'un ou plusieurs évènements sur le point de se produire, plus un regret ressassé, plus de la fatigue, ...

Entraînement : Lorsque je détecte en moi un état d'esprit maussade, je passe en revue les différents évènements susceptibles de l'avoir occasionné. Une fois les impacts reconnus, j'essaye de faire la paix avec chacun d'eux. Pour la méthode, je vous renvoie à la paramita de la Patience.


2) C'est de la faute des autres ?

On aimerait bien que ce soit de la faute des autres. Parfois je me dis, "Oh, juste cette fois !". Malheureusement, en y regardant de plus près et c'est ô combien douloureux, je trouve toujours une bonne raison totalement indépendante des autres pour expliquer mon énervement. Et, à chaque fois, je me dis :"Zut, c'est encore de ma faute !".

Parfois, nous réagissons différemment au même évènement. Or, la logique voudrait que si notre colère était de la faute de quelqu'un ou de quelque chose d'autre que nous, elle soit toujours présente de la même façon dans un même cas de figure.


Exemples :

  • Reprenons l'exemple précédent de la colère déclenchée après une série de petites contrariétés ou de stress. Nous allons réagir avec colère à un évènement ne justifiant pas, en temps normal, de notre part, une telle demesure. Et c'est notre état d'esprit, le responsable de cette demesure.
  • En général, nous aimons bien les lapins, nous les trouvons mignons. Et puis, un jour, nous plantons des salades. Or, nous nous rendons compte qu'un lapin vient manger nos salades. Et là, le lapin ne nous paraît plus si sympathique. C'est le lapin qui a changé ou c'est nous ? Nous allons développer de la colère pour ce lapin qui ne cherche qu'à se nourrir et qui n'a pas la moindre idée du tort qu'il nous fait. Mais le véritable responsable de cette colère, c'est notre attachement à nos salades !

Le fait que deux êtres ne réagissent pas de la même façon à un évènement montre bien que c'est une affaire de personne. Il n'y a pas une réponse univserselle qui serait la colère dans un certain cas de figure.

Exemple : Prenons le cas d'un agriculteur qui vient de semer et d'un vacancier. Pour l'agriculteur, la pluie sera un don du ciel mais pour le vacancier, ce sera une catastrophe. Est-ce que c'est de la faute du ciel si le vacancier est en colère ? Ou est-ce que c'est de la faute de ses attentes, de son désir de soleil ?


3) La colère : une énergie colossale

Que se passe-t-il lorsque nous sommes en colère ?

Nous avons un monumental besoin d'avoir raison pour sauvegarder notre image de nous-mêmes et nous avons du mal à lâcher prise ; c'est presque comme si notre vie en dépendait.

A ce moment-là, si nous nous isolons pour faciliter la non-explosion et que nous ne nourrissons pas notre colère par de la dignité outragée, nous pourrons percevoir en nous une formidable énergie. C'est un véritable bouillonnement intérieur qui nous donne une lucidité incroyable sur ce qui est en train de se passer : nous sommes capables d'analyser la situation, notre état d'esprit, comment nous en sommes arrivés là. Néanmoins, ce bouillonnement est tellement fort qu'il faut être très vigilant pour ne pas se laisser aller dans l'aspect négatif de la colère en ressassant les soit-disant "fautes" de l'autre. Pour le moment, ce bouillonnement occasionne tellement d'instabilité en moi que je l'appaise au bout d'un moment pour éviter de faire du mal à un proche. Pour m'appaiser, j'utilise un Cristal de roche.



4) Les répercussions de la colère

Cela fait peu de temps que j'ai commencé à comprendre quelques aspects de la perte de mérite occasionnée par un instant de colère (voir citations).

a) Nous faisons souffrir un enfant

Si une personne n'ose pas s'opposer à notre colère, elle risque de se défouler sur plus faible, peut-être son conjoint, qui à son tour, se défoulera sur plus faible, un de ses enfants. J'ai trop souvent été témoin de ce cas de figure pour continuer à ignorer qu'en m'énervant après quelqu'un, je condamne probablement un enfant !


b) Nous perdons en crédilité


Exemple vécu : j'essaye de générer le plus d'harmonie possible dans ma famille en étant douce, patiente, compréhensive, attentive aux autres. Mais quand il m'arrive de me mettre en colère, ma famille ne me parle que de ça et ils oublient tout le bien que j'ai pu leur faire avant, pendant des semaines.

Tout le bien que nous pouvons faire aux autres (petits bonheurs sur un laps de temps très long), souvent considéré comme normal, voire comme un du, est anihilé par quelques instants de colère car elle provoque une grande souffrance en un laps de temps très court. C'est très impressionnant donc plus mémorable.

        c) Nous transformons notre vie en enfer

        Exemple : Il m'arrive d'être pressée au volant de ma voiture et chaque situation qui va me retarder va faire monter mon énervement. A partir de ce moment et assez rapidement, je me retrouve dans des situations où la conduite des autres me met en danger. Mais ça me calme très vite car je réalise que je préfère arriver en retard que me retrouver à l'hôpital. Donc j'abandonne l'idée d'arriver à l'heure et là, miracle, tout se passe bien de nouveau sur la route !

        Plus nous nous mettons en colère, plus nous nourrissons une habitude à nous mettre en colère, de plus en plus souvent, de plus en plus rapidement. Nous verrons assez vite que nous n'avons plus le contrôle sur cette tendance (voir Sagesse). Nous allons donc développer un état d'esprit de refus systématique des situations. Un état de révolte permanent qui nous amènera à tout critiquer et à être incapable d'apprécier quoi que ce soit. Nous verrons le verre d'eau à moitié vide. Comment être heureux quand notre vision transforme notre environnement de façon négative systématiquement ?


        d) Nous contribuons à transformer la vie des autres en enfer

        En nous mettant en colère contre quelqu'un, nous allons déclencher des émotions chez cette presonne : peur, colère, tristesse, ... Ces émotions vont nourrir une tendance à les vivre encore car une habitude se développe : plus on se met en colère et plus elle monte facilement. Nous sommes alors responsables d'avoir contribué à encourager une tendance à la colère, à la peur, à la tristesse.

        Exemple : Un voisin de mon beau-père s'acharne à lui pourrir la vie. Mon beau-père en est tellement malheureux qu'il en a perdu le goût de vivre et qu'il ne survit qu'à grandes doses d'antidépresseurs.

        Quand nous manifestons de la colère, nous n'avons pas conscience des répercussions possibles, nous ne voyons que le moment présent : nous décharger d'une irritation. Mais cela entraîne chez l'autre une aggravation de sa situation émotionnelle qui peut à terme, transformer sa vie en enfer. Je ne dis pas qu'à chaque fois que nous nous énervons contre quelqu'un, nous l'envoyons en enfer, mais nous y contribuons. Or, est-ce que nous en voulons suffisament à quelqu'un pour vouloir une si horrible fin ? Quoi que l'autre nous ait dit ou fait est-ce que cela justifie vraiment une telle fin ?


        5) Demain, j'arrête la colère !


        Toute cette réflexion peut nous donner envie de prendre la résolution d'arrêter la colère. Mais ce n'est pas si simple. Comme nous l'avons vu dans la partie Sagesse, on ne se débarrasse pas d'une tendance installée depuis très longtemps instantanément. Il faut du temps et accepter de progresser pas à pas. Pour la méthode, je vous renvoie an chapitre Patience.

        Je dirais qu'elle s'élève de moins en moins souvent car à force d'observation, d'analyse et de patience, je comprends mieux comment je fonctionne, comment les autres fonctionnent, comment mon environnement fonctionne. Plus ces compréhensions s'améliorent, moins je trouve de raisons de m'énerver.

        Lorsque la colère s'élève néanmoins, elle dure moins longtemps. Je suis consciente d'être en colère et que c'est stupide mais je ne suis pas toujours capable de m'arrêter instantanément malgré tout. Il me faut quelques minutes pour revenir à la raison et commencer à rire de moi et de la rapidité avec laquelle je rejette encore la faute sur les autres.