LITHOTHERAPIE - EVEIL

Suis-je ce corps ?

Citations :

  • N'est-il pas évident, cher Xénophon, dit Socrate, que les hommes ne sont jamais plus heureux que lorsqu'ils se connaissent eux-mêmes, ni plus malheureux que lorsqu'ils se trompent sur leur propre compte ?
  • Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux. (inscription sur le fronton du temple de la PYTHIE de DELPHES)
  • Découvrez qui vous êtes et tous les autres problèmes se résoudrons d'eux-mêmes. (Ramana Maharshi)
  • Qui connaît les hommes est averti ; qui se connaît soi-même est éclairé. (Lao Tseu)

Se connaître soi-même est le remède proclamé par des maîtres de traditions variées pour être heureux. Cela sous-entend que nous ne nous connaissons pas et semble un peu absurde à priori. Essayons d'y regarder de plus près, à tout hasard.

Exemple :
En général, nous pensons être quelqu'un de bien et lorsqu'une personne nous fait remarquer un de nos défauts, nous sommes surpris, choqués, en colère car ce défaut fait tâche sur l'image idyllique que nous avions de nous mêmes. Puis, nous sommes malheureux : nous avons perdu une de nos illusions sur nous-mêmes.

Cet exemple montre que cette méconnaissance de nous-mêmes nous expose aux déconvenues donc à la souffrance. Le pire c'est que nous croyons nous connaître, mais en y regardant de plus près, on réalise que nous n'avons qu'une vision partielle de ce que nous sommes réellement.

Quelle est cette chose que nous appelons "moi" ? Pour essayer de définir à quoi nous nous référons lorsque nous disons "je", je m'appuie sur les enseignements bouddhistes qui dénombrent cinq composantes, cinq agrégats (skandhas) auxquels nous nous identifions : le corps, les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience. Je vais les définir et m'assurer que je m'identifie bien à ces agrégats, qu'ils correspondent effectivement à mon vécu. Je vais également rechercher comment mieux me connaître au travers de ces agrégats, essayer de comprendre comment je fonctionne.

Lorsque nous disons "moi" ou "je", avons-nous l'impression d'être une seule chose ou plusieurs ? Quand nous disons MOI, s'agit-il de "moi un" ou de "moi plusieurs" ? Je ne sais pas pour vous mais moi, quand je dis "je", c'est "je un". Si nous disons "moi un", alors cela signifie que ce à quoi nous nous identifions, c'est-à-dire les cinq agrégats, sont un. Nous allons examiner ces cinq agrégats pour déterminer s'ils sont vraiment une seule et même chose, non composée, donc de même nature, ce qui corroborerait notre expérience du Soi unique.

En disant "je", j'ai également le sentiment d'être la même au fil du temps, durable et permanente, distincte de mon environnement : un être autonome et indépendant. Mais cette expérience du Soi est-elle conforme à la réalité ? Si les agrégats sont le soi, alors les agrégats devraient avoir les caractéristiques que l'on prête au soi, à savoir, le fait d'être non composé, permanent, indépendant.

Et enfin, où est ce soi dont nous parlons tant ?


I) Agrégat de la forme (corps)


a) Définition et identification

Le premier élément auquel nous nous identifions est le corps. Pour le corps, tout va bien, c'est du "concret". Je n'ai pas besoin de beaucoup réfléchir pour savoir que je m'y identifie : quand on me pince, j'ai mal, mon "moi" souffre. Par contre, je ne m'identifie pas à la montagne ou à une table, uniquement à la forme appelée "mon corps".

b) Fonctionnement

La santé nous procure du bonheur même si nous ne nous en rendons compte que lorsque nous sommes malades. De plus, quand il y a une soufrance physique, nous sommes moins patients et nous risquons de détruire de bonnes relations avec autrui. Nous avons donc intérêt à tout faire pour maintenir le corps en bonne santé mais comment ? Pourquoi mon corps tombe malade ? Quelle nourriture lui convient ? L'observation des réactions du corps après ingestion d'un aliment nous permet de déterminer ce que nous digérons mal, par exemple. Beaucoup d'informations sont aujourd'hui disponibles pour nous aider à nous maintenir en bonne santé et c'est à chacun d'entre nous de déterminer ce qui lui convient le mieux. Avec l'âge, nous apprenons à connaître les besoins de notre corps mais ses besoins évoluent et il faut donc réactualiser nos savoirs régulièrement.

Exemple : Jusqu'à il y a quelques années, je pouvais manger salé et me baigner dans la mer sans problème ; aujourd'hui, je fais de la rétention d'eau et le sel est pratiquement banni de ma vie.

Est-ce que seule la nourriture a un impact sur ma santé ? Nous savons aujourd'hui que nos pensées, nos émotions peuvent nous rendre malades ; le but est donc d'avoir "un esprit sain dans un corps sain". C'est le 4ème agrégat, abordé plus loin.


c) Le corps est-il composé ?

Lorsque nous pensons à notre corps, nous avons une impression d'unité du corps. Voyons s'il est une seule et même chose non-composée. Il contient des parties différentes (os, muscles, sang, organes,...), composées de cellules, elles-mêmes composées de molécules composées d'atomes, eux-mêmes composés de protons, électrons, neutrons, ... Le corps est constitué de particules composant tout l’univers. L'examen de ce seul agrégat met en évidence que le corps n'est pas une seule chose non composée donc notre expérience du "Soi un" est fausse car quand nous pensons moi, nous ne pensons jamais "moi, assemblage d'atomes". Si nous recevons un coup de poing dans le nez, nous n'allons pas dire : "ce n'est pas grave, je ne suis qu'un assemblage d'atomes".

d) Le corps est-il éternel ?

Nous prenons pour le même individu, celui que nous étions l’an dernier et celui que nous sommes maintenant, mais c’est erroné. En fait, sans ce caractère changeant, impermanent de la vie, nous serions restés des bébés et ne serions jamais devenus des adultes. Nous avons été bébé, enfant, adolescent, adulte, adulte vieillissant. Le corps n'est pas resté identique et nous le savons mais en même temps, nous nous comportons comme si ce corps ne devait jamais changer, jamais mourir.

Exemple : Il n'y a qu'à voir comment nous réagissons à la maladie, aux rides, aux cheveux blancs. Nous avons l'impression d'être victimes d'un crime de lèse-majesté.

Si notre corps, la forme, était le Soi, il ne serait pas sujet à la maladie, à la vieillesse, à la mort car notre vécu du soi nous donne une sensation d'immuabilité. On devrait avoir la maîtrise de son corps ; or il n’en est rien, le corps nous échappe, il tombe malade, il vieillit, ses cellules se remplacent, il se délabre. Il n’a donc pas les caractéristiques d’un Soi éternel, permanent.

e) Le corps est-il indépendant ?

Le corps a sans arrêt besoin de nourriture, d'eau, d'oxygène et de chaleur. Si nous étions isolés dans un vacuum nous ne resterions pas en vie plus d'une seconde.

Ce qui dépend de conditions ne peut exister en lui-même. Car si quelque chose avait une existence intrinsèque, cette chose ne dépendrait pas de conditions pour exister, elle existerait d'elle-même (Nagarjuna). Le corps ne naît pas vraiment, il est juste la combinaison d'autres phénomènes interdépendants.

Exemple : Le corps est le résultat de la rencontre entre un spermatozoïde et un ovule, de la fécondation de l'ovule, de la division de l'ovule fécondé. La fabrication "correcte" du corps n'est possible que grâce à l'ADN, au placenta, à la bonne santé de la mère,... A notre naissance, si aucun soin ne nous est apporté, nous mourons.

Le corps dépend de causes et de conditions pour apparaître, il ne peut donc pas être considéré comme indépendant.

f) Où est le Soi ?

Le soi peut-il être trouvé dans un des agrégats ?Prenons l'exemple du corps. On ne considère pas chaque partie du corps comme un Soi distinct et pourtant, si le Soi était dans la tête, qu’en serait-il de la jambe ? Si le soi est dans le corps, est-il dans les atomes d'oxygène ou de carbone ou d'hydrogène ? Dans les noyaux des atomes ou dans les électrons ? Et si c'est dans les noyaux des atomes, plutôt dans les protons ou dans les neutrons ? De plus, le corps est composé de 99,9999999 % de vide : l'espace entre les noyaux des atomes et les électrons, ... Et les scientifiques démontreront bientôt que le peu de matière restante est lui aussi vide de substance solide.

g) Conclusion

La médecine et la science en général nous en donnent une description détaillée mais elles ne nous disent pas pourquoi nous sommes tellement attachés à ce qui n'est, après tout, qu'un assemblage d'atomes, de la poussière d'étoiles. Je ne peux même pas regarder une amputation dans un film tellement l'idée de perdre une partie de mon corps m'horrifie. D'accord, je ne suis qu'un assemblage d'atomes mais c'est le mien. Ce qui m'amène à la réflexion suivante : si je ne m'identifiais pas à ce corps, est-ce que je serais plus heureuse ? Si j'avais une meilleure conscience de ce qu'il est réellement, j'aurais moins d'attachement donc j'éprouverais moins de souffrance. Je pense que ce n'est que par une compréhension de plus en plus accrue de la réalité de ce que nous sommes que cela est possible.